RENTREE DES FOINS
Le vent du nord ouest souffla trois jours de suite, fort et continu,
assurant une période de temps sans pluie.
Les faux avaient ete aiguisées longtemps d avance,
et les cinq hommes
se mirent à l ouvrage le matin du troisieme jour.
Vers le soir, tous les cinq prirent des fourches et
firent les veilloches, hautes et bien tassees,
en prevision d une saute de vente possible.
Mais le temps resta beau.
Cinq jours durant ils continuerent, balançant,
tout le jour leurs faux de droite à gauche,
avec un grand geste ample.
Les mouches les harcelaient de leurs piqures :
le soleil ardent leur brulait la nuque
et les gouttes de sueur leur brulaient les yeux ;
la fatigue de leur dos toujours plies devenait telle,
vers le soir, qu ils ne se redressaient
qu' avec des grimaces de peine.
Mais en cinq jours tout le foin fut coupe et
ils commençèrent au matin du sixieme jour,
à ouvrir et retourner les veilloches,
qu ils voulaient grangé
avant le soir
Ce fut le tour des fourches.
Elles étalèrent le foin au soleil,
puis vers la fin de l apres midi,
quand il eut seche,
elles l'amoncelerent de nouveau,
en tas de la grosseur exacte qu un homme,
peut soulever en une seule fois,
au niveau d une haute charette
Charles Eugene tirait vaillamment,
entre les brancards la charrette,
s engouffrait dans la grange, s arretait,
et les fourches s enfoncaient ,
une fois de plus dans le foin durement foulé,
qu elles enlevaient sous l effort des poignets
et des reins et dechargeaient au cote
A la fin de la semaine tout le foin
etait dans la grange sec et d une belle
couleur, et les hommes s étirerent et
respirent longuement comme,
ils sortaient d une bataille.
LOUIS HEMON MARIA CHAPDELAINE
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