L'une de ces esclaves va prendre une place inhabituelle dans le coeur du souverain comme dans les affaires de l'empire.
Originaire de Ruthénie, un pays chrétien à l'est des Carpathes, elle a été enlevée par des Tatars et vendue au harem à l'avènement de Soliman, en 1520. Les Occidentaux la connaissent sous le nom de Roxelane, déformation de «la Ruthénienne», mais les Turcs l'appellent Khurrem, «la Rieuse».
Remarquée par le sultan, qui l'appelle «reine de toutes les beautés», elle devient son amante exclusive, lui donne quatre fils et, fait extraordinaire pour une ancienne esclave chrétienne, obtient de devenir son épouse légitime - et unique -.
Les deux époux vivront une éternelle lune de miel que seule la mort viendra interrompre.
Sa jovialité, doublée d'un tempérament bien trempé et d'une ambition sans limite, vont valoir à Roxelane de cogérer l'empire en coulisse au côté de Soliman.
Bien que confinée au harem, elle entretient des relations épistolaires avec les diplomates occidentaux et cultive l'intrigue.
Ainsi, elle prend en grippe le grand vizir Ibrahim Pacha, fils d'un modeste pêcheur grec, qui fut son premier protecteur. En répandant des calomnies sur son compte, suggérant qu'il serait resté chrétien, elle obtient sa disgrâce et son exécution en 1536.
Elle marie également sa fille à un dignitaire du palais, Rostem Pacha, un ancien porcher chrétien, qu'elle va hisser au poste de Premier ministre.
Un incendie bienvenu
En 1541, un incendie ravage le harem, situé dans le Vieux Palais (Eski Saray), au coeur de la ville. La bibliothèque de Mathias Corvin, à laquelle était attaché le sultan, part dans les flammes. Roxelane y voit l'occasion d'obtenir le transfert du harem (et d'elle-même) dans le nouveau palais, au plus près du sultan.
Ce Sérail (du mot turc Saray, qui signifie palais ou cour) est communément appelé aujourd'hui Topkapi (prononcer topkapé), qui signifie en turc «porte du canon» , en raison de la présence d'une batterie à cet endroit, au-dessus du Bosphore. C'est, à dire vrai, un ensemble palatial de quatre cours et de jardins entourés de bâtiments et de kiosques, derrière la basilique Sainte Sophie.