LA RENTREE DES FOINS
J' étais là quand on fauchait,
là, quand on relevait les fourrages,
et je me laissais emmener par les chariots
qui revenaient avec leurs immenses charges.
Etendu tout à fait à plat sur le sommet
de la charge, comme un enfant couché
dans un énorme lit, et balancé par le mouvement
doux de la voiture roulant sur des herbes coupées,
je regardais de plus haut que d' habitude
un horizon qui me semblait n avoir aucune fin.
Je voyais la mer s étendre à perte de vue
par dessus la lisière verdoyante des champs ;
les oiseaux passaient plus près de moi ;
je ne sais quelle énivrante sensation
d 'un air plus large, d 'une étendue plus vaste,
me faisant perdre un moment la notion
de la vie réelle.
Eugene Fromentin