UN ORAGE EN FORET
L' obscurité s était faite si noire que les yeux de Perrine
ne pouvaient pas sonder, le bois bien loin ;
cependant à la lueur d 'un coup de foudre
elle crut apercevoir, à une courte distance,
une cabane à laquelle conduisait un mauvais chemin
creusé de profondes ornières ; elle se jeta dedans au hasard
De nouveaux éclairs lui montrèrent qu elle ne s était
pas trompée : c ' était bien un abri que des bucherons
avaient construit en fagots, pour travailler
sous son toit fait de bourrées, à l abri du soleil
et de la pluie.
Encore cinquante pas, encore dix, et elle echappait
à la pluie.
Elle les franchit et, à bout de forces, épuisée
par sa course, etouffée par son émoi, elle s' affaissa
sur le lit de copeaux qui couvrait le sol.
Elle n avait pas repris sa respiration qu un fracas
effroyable emplit la foret avec des craquements à croire
qu' elle allait etre emportée ; les grands arbres
se courbaient, leurs tiges se tordaient et des branches
mortes tombaient partout avec des bruits sourds.
La cabane pourrait t ' elle resister à cette trombe
ou dans un balancement plus fort que les autres,
n' allait t' elle pas s' effondrer ?
Elle n' eut pas le temps de reflechir,
une grande flamme accompagnée d 'une
terrible poussée la jeta à la renverse, aveuglée,
et abasourdie en la couvrant de branches
Quand elle revint à elle, tout en tatant pour voir
si elle était encore en vie, elle aperçut à une courte
distance, tout blanc dans l obscurité,
un chene que le tonnerre venait de frapper
en le depouillant du haut en bas de son écorce
projetée a l entour et qui, en tombant
sur la cabane, l avait bombardée de ses éclats.
Hector Malot